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« Gaspard », nouvel accessoire connecté anti-viol : le drame de l’indifférence.

En France, certaines études avancent qu’il n’y aurait pas moins d’une victime de viol, toutes les 8 minutes. Pas étonnant, dans ces conditions, que certains concepteurs voient en ce fléau un marché potentiel.

Dans mes mails hier, celui de Mr Desachy Nicolas, à l’origine de la création d’une nouvel objet connecté anti-agression, répondant au doux nom de « Gaspard ».

 

Il s’agit, donc, d’un petit gadget pouvant se fixer discrètement sur vos vêtements, votre sac à main, vos bijoux, ou même dans vos cheveux, de façon à être facilement accessible en cas d’agression. Connecté à votre téléphone, par simple pression, il permet de vous géolocaliser et de déclencher immédiatement l’alerte auprès de vos proches, de passants se trouvant autour, de la police ou de toute autre personne ayant téléchargé l’application. Ces derniers reçoivent également, en temps réel, un itinéraire pour venir vous secourir rapidement.

M’invitant tout d’abord à visionner la vidéo de présentation pour mieux en comprendre le fonctionnement, ce dernier m’exhorte ensuite à lui faire un « retour » objectif. Ce que je m’empresse de faire, par retour de mail et ici.

Rappelons d’abord, en postulat de départ, que même si ce sont avant tout les mentalités qu’il faut changer par un travail d’éducation, toute initiative susceptible de permettre d’éviter ne serait-ce qu’un viol, est, par essence, à saluer.

Ce qui, néanmoins, n’interdit pas d’émettre quelques réserves quant à la réelle efficacité de ce nouveau concept. Car derrière la vision idyllique proposée par la vidéo de démonstration, semble cependant subsister des problèmes techniques de taille.

Chacun sait qu’en France, toutes les zones géographiques ne sont pas égales du point de vue de la couverture du réseau de téléphonie mobile. Quid de l’intérêt d’une telle application en zone reculée Ardéchoise, par exemple ? Ou en cas de pannes de réseau (et Dieu sait si cette éventualité est fréquente chez certains opérateurs) ?

S’il faut reconnaître que cet objet est beaucoup plus confortable et discret à porter que d’autres accessoires anti-viols imaginés jusqu’ici (culottes, jean, soutiens-gorge, collants anti-viol, etc…), c’est aussi et surtout parce qu’il n’est pas destiné à éviter techniquement le viol, mais simplement à signaler que celui-ci est en train de se produire. Une nuance d’autant plus importante que le temps écoulé avant qu’une personne prévenue ne se porte au secours de la victime, peut parfois être très long (la majorité des femmes violées le sont en quelques minutes, voire quelques secondes).

Comment ne pas imaginer, également, puisqu’« qu’une simple pression suffit à déclencher » le processus d’alerte, les conséquences (non prévues) d’une possible fausse manip’. Il pourrait ainsi être particulièrement cocasse de voire débarquer Papa, un inconnu ou pire, Jules, alors que vous vous adonniez, à l’abri des regards, à des ébats (bien consentis) dans les bras de votre amant d’un soir…

Loin de remettre en question les intentions sincères des inventeurs de cet outil, je ne suis pour autant pas totalement convaincue lorsque ces derniers estiment que leur communication « joue sur un accessoire de mode, mais ne surfe pas sur le commerce de la peur ».

Parce qu’absolument tout dans leur vidéo évoque, au contraire, la peur : petits bonhommes effrayants représentant les agresseurs, femme prise au piège dans une cage transparente, représentation concrète d’armes de défense (pistolets, couteaux, etc…).

Mais, après tout, pourquoi éprouver une telle nécessité de s’en défendre ? Pourquoi, diable, une invention destinée à rassurer les femmes naîtrait forcément de mauvaises intentions, et devrait obligatoirement se priver d’avoir des ambitions commerciales ?

En réalité, cette invention « connectée » (qui s’appuie, donc, sur le concept de « réseaux sociaux »), surfe plus sur le marché de la solitude, de l’indifférence générale et de l’égocentrisme, généré par notre triste société. En concluant sa démonstration par un « You’ll never be alone again » (« tu ne seras plus jamais seule »), les concepteurs semblent exploiter les mêmes faux-semblants et miroirs aux alouettes que les Facebook, Twitter and Co, donnant à leurs usagers l’illusion d’être « entourés », d’appartenir à une grande communauté.

Mais en vérité, combien, parmi leurs contacts virtuels (et même réels) accourront vraiment, en cas de danger?

Il est permis de douter, lorsqu’on voit qu’aujourd’hui, on peut se faire agresser en plein métro à Lille, sous le regard indifférent, imperturbable de ses semblables.

Plus encore, je trouve aussi particulièrement malsaine, l’idée de relayer, quasi en direct, les pseudo-sauvetages sur les réseaux sociaux. Mettre ainsi à l’honneur les « héros » du jour à grands coups de « like » (le site pousse même la mise en scène jusqu’à leur offrir des mugs, t-shirts et autres trophées à son effigie) revient, au final, à rendre « exceptionnel » un geste qui, au fond, devrait être banal.

Un simple acte de civisme. Un réflexe de savoir-vivre.

 

[ Retrouvez également ce billet sur Cheek Magazine ]

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Clara Dupont-Monod, le féminisme et France Inter : une interview déconcertante

[Article paru le 27/08/13, sur Le Plus Nouvel Obs : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/926470-clara-dupont-monod-le-feminisme-et-france-inter-une-interview-deconcertante.html]

Pour sa rentrée sur France Inter, la journaliste Clara Dupont-Monod (qui remplace Pascale Clark pour l’Invité de de 7h50) avait convié ce lundi Anne-Cécile Mailfert, porte-parole d’Osez le féminisme. Le propos initial de cette rencontre était d’évoquer l’initiative lancée par le collectif, visant à faire entrer des femmes au Panthéon, aux côtés de Marie Curie et de Sophie Berthelot (qui doivent, il est vrai, s’y sentir bien seules).

La colère des féministes

Seulement voilà, la nouvelle recrue de France Inter – débordant de zèle – a déroulé un questionnaire pétri de poncifs nauséabonds et condescendants sur le féminisme : l’interview tourne rapidement en véritable procès d’intention, provoquant l’ire interloquée de nombreuses militantes.

http://http://www.dailymotion.com/video/x13o5vs_anne-cecile-mailfert-les-heureuses-elues-au-pantheon-sont-o-de-gouges-l-michel-g-tillion-s-de-beauvo_news?start=6

Voici les réactions indignées de quelques unes d’entre-elles, sur twitter, suite à ce moment de radio surréaliste.

Caroline De Haas@carolinedehaas

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Les Martiennes@lesmartiennes

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Alice Coffin@alicecoffin

« C est un  qui ne compte pas emasculer les hommes? »festival de poncifs et ignorance dans questions de clara dupont-monod @f_inter

22 Retweets   2 favoris
CrêpeGeorgette@valerieCG

c’est ce qu’on appelle une interview de fond. Passionnant. peut-être un peu complaisante, bête, racoleuse et cliché mais intéressante hein.

1 Retweet

D’autres féministes ont répondu à Clara Dupont-Monod sur leurs blogs ici ou .

Un moment de radio déconcertant

Mais quelle mouche (ou abeille devrions-nous dire, pour les raisons évoquées plus loin dans ce billet) a donc pu piquer notre amie Clara Dupont-Monod ? Car il faut bien admettre que les questions de la nouvelle intervieweuse politique de France Inter sont pour le moins orientées.

Jugez-en par vous-mêmes :

– « Vous ne pensez pas que les nouveaux féministes, ce sont en fait les hommes ? »

Ben voyons ! Attribuons tout le mérite des combats féministes aux hommes… Cela s’appelle du « men hangin' » et c’est pas très glorieux comme procédé de racolage.

 « Osez le féminisme, c’est un féminisme qui est contre les hommes ou tout contre les hommes ? »

Comprenez ici qu’il n’y a nulle autre alternative possible dans les rapports hommes-femmes : ou bien on déteste les hommes ou bien on les suce. Est-ce clair ? Un poil binaire, comme analyse journalistique.

– « Donc c’est un féminisme qui ne compte pas émasculer les hommes ? C’est une bonne nouvelle, je vois tout le monde qui se détend dans le studio. »

C’est qui tout le monde ? Peut-être Clara Dupont-Monod évoque t-elle le personnel réputé quasi-exclusivement masculin de France Inter ? Je croyais pourtant qu’une grosse prise de conscience concernant l’absence de parité au sein de l’équipe dirigeante de cette radio, avait eu lieu, notamment lors de cet événement tragique d’invasion de leurs locaux par les « Barbues ».

– « La parité, ça veut dire que si on doit choisir entre une femme incompétente (au hasard) et un homme compétent (encore au hasard), ça sera toujours la femme incompétente, non ? »

Réfléchis un peu, Clara… Si le féminisme dont tu parles existait vraiment, France Inter t’aurait alors choisie pour d’autres raisons (besoin d’une potiche ?) que celles inhérentes à ton supposé talent. On ne va quand même pas t’expliquer que la parité, c’est un truc qui s’applique à compétence égale, et uniquement à compétence égale.

Et enfin (le meilleur ayant été gardé pour la fin) :

– « Est-ce que les féministes ont de l’humour ? Oui ? Cela mérite une dépêche AFP ! »

Possible que les féministes n’aient pas plus d’humour que la moyenne, mais ne vaut-il pas mieux en avoir peu – et même ne pas en avoir du tout – qu’en avoir un vaseux ?

Victime du syndrome de la reine des abeilles ?

Second degré, excès de zèle ou ignorance ? Allez savoir… Je me garderais bien, moi-même, de tacler cette journaliste qui ne fait, après tout, que son métier (de « gratte-poils », pour laquelle on la paie, vraisemblablement).

Je lui ferais tout au plus remarquer que la liste des clichés méphitiques qu’elle énumère sur le féminisme n’est pas exhaustive. Elle oublie en effet celui sur le syndrome de la reine des abeilles – syndrome dont il se pourrait bien qu’elle souffre elle-même, sans le savoir.

Le « Queen Bee Syndrome » (dans sa version anglophone), donc, serait ainsi un syndrome psychique et/ou social, selon lequel une femme arrivée au pouvoir n’aide pas ses collègues et subalternes féminines et essaie même plutôt de les écraser.

Dans les années 1970, des chercheurs américains (Toby Epstein Jayaratne et Carol Travis) auraient en effet « découvert » que les femmes étaient loin d’être solidaires entre-elles, au travail en particulier. Leurs études auraient ainsi montré que « les femmes qui réussissaient dans des secteurs d’habitude dominés par les hommes, étaient obsédées par l’envie de conserver leur pouvoir et s’opposaient très souvent aux succès d’autres femmes ».

De même, une autre étude, réalisée en 2011 par le Workplace Bullying Institute, montre quant à elle que les « femmes qui tyrannisent les autres salariés au bureau dirigeraient directement leur haine contre leurs pairs 80 % du temps quand les hommes sont plus équitables et s’en prennent aussi bien aux messieurs qu’aux dames ».

Moi-même, lorsque j’ai débuté ma vie active, j’ai dû me frotter à de vilaines « Queen Bees ». Assez bien diplômée et pas trop repoussante, je me suis sentie comme un loup qui entre dans la bergerie. Mes collègues féminines me tournaient cruellement le dos à la machine à café, pendant que les collègues masculins, eux, s’empressaient de glisser un jeton dans la fente du distributeur à café pour me l’offrir.

Ainsi va la vie. Il arrive, de temps à autre, que les femmes se tirent dans les pattes entre-elles, donnant ainsi raison à l’adage voulant que la femme soit, finalement, son propre ennemi. C’est sans doute la leçon que les féministes semblent devoir tirer de cette affaire : ne jamais oublier que le diable s’habille aussi, parfois, en Prada.

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« Nouvel Obs », « Causette » et la pédophilie : je me réjouis de cette polémique salvatrice

[Article paru le 07/07/13 sur Le Plus Nouvel Obs : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/897149-nouvel-obs-causette-et-la-pedophilie-je-me-rejouis-de-cette-polemique-salvatrice.html]

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai pu suivre sur le web les réactions très vives suscitées par la récente publication de deux articles traitant d’un même fait divers : une professeure d’anglais qui a eu des relations sexuelles avec une de ses élèves âgée de 12 ans. « Récit d’une passion interdite » et « Une liaison particulière« , respectivement dans le « Nouvel Observateur » et « Causette« .

Deux articles dont la seule évocation du titre suffit à comprendre la polémique qui les a copieusement accueillis dans la blogosphère et sur les réseaux sociaux.

Comme beaucoup, également, je suppose, j’ai été étonnée de voir que de tels traitements de l’info aient pu ainsi passer à travers le filtre éditorial de rédactions ayant pignon sur rue et notoirement reconnues comme « sérieuses ». J’ai ensuite été soulagée de constater qu’il existait néanmoins un second « filet » en cas d' »accident » ou « maladresse » éditoriale.

Voyez, ce précieux filet, tendu juste au-dessous de la pensée unique, par ce qu’on peut appeler la « conscience collective », représentée à la fois par les autres journalistes, les blogueurs et les lecteurs.

Non, ce n’est pas une question de « liberté de penser »

Mais je dois avouer que la déception me gagne, lorsque j’entends des voix s’élever pour dénoncer ce contre-poids (pourtant indispensable) et s’offusquer de ce genre de polémiques (pourtant très saine), au nom de la « liberté de penser ». Un principe noble et respectable, que ces même voix détournent cependant, aux détours d’un argumentaire bancal et pernicieux.

Je réponds donc aujourd’hui, en particulier, à Peggy Sastre (dont j’apprécie par ailleurs, habituellement, énormément les chroniques). Je lui réponds puisqu’elle a étonnement choisi, au travers de sa tribune intitulée « Pédophilie partout, liberté de penser nulle part« , de se faire la porte-parole de tous ceux qui – par leurs propos ou leurs écrits – s’appliquent à minimiser la portée, la gravité de raisonnements, de comportements ou d’actes pathologiques et/ou répréhensibles.

Je réponds également, à travers elle, à tous ceux qui contribuent, à leur manière, à ce qu’on peut appeler la « culture du viol » et, par extension, à la banalisation de toutes les formes de violence ou d’abus perpétrés à l’encontre de personnes en situation de faiblesse.

À en croire la chroniqueuse invitée du Plus, il y aurait ainsi, d’un côté, les « pieux chevaliers », ardents défenseurs de la liberté de penser, progressistes et agitateurs d’idées. De l’autre, les étriqués, les obtus, les conservateurs, les coincés. En simple, des empêcheurs de tourner en rond qui entravent la bonne marche vers une société moderne, où le sacro-saint droit à jouir de quelques individus supplanterait le droit à la protection de l’intégrité de chacun.

Une société a besoin de barrières

Or une société digne de ce nom ne tire sa légitimité, son existence et sa pérennité qu’à travers les barrières qu’elle s’est construites, les codes de conduites qu’elle s’impose pour en protéger chaque membre.

Peggy Sastre regrette ainsi qu' »à cause de la peur des procès, des vindictes, les têtes un tant soit peu remplies différemment évitent de déverser ce qu’elles ont à l’intérieur, ou prennent d’énormes précautions […] mais le résultat est le même : des idées (pédophiles ?) meurent ou pire, ne voient jamais le jour ». (Est-ce vraiment si grave ? On croit rêver !)

Et de surenchérir plus loin : « Je ne crois pas connaître de sentiment plus désagréable que celui-là, le catalogue de toutes les idées avortées pour cause de prohibition socialement majoritaire. »

Eh bien, moi, si, je connais sentiment plus désagréable (du moins, je le devine) : la solitude, la honte, la culpabilité, l’horreur ou la colère que peut ressentir un enfant qui a été abusé par un adulte.

« Pourquoi faudrait-il que la sexualité soit une activité jugée comme immédiatement et absolument nocive quand elle se déroule entre un adulte et un enfant ? » s’interroge encore la chroniqueuse. « La sexualité n’est pas un domaine du général, du commun, de l’obligatoire et de l’absolu. Elle est un terrain de diversité, de complexité et d’individualités », ajoute-t-elle.

Certes…

Les « sens interdits », des protections

Mais si notre sexualité (qui, rappelons-le, relève de l’intime) est un terrain de singularités, notre société, quant à elle, est un terrain « collectif » et doit le rester. Elle s’est même, ne vous en déplaise, construite sur ce principe : la liberté (sexuelle) de chacun s’arrête là où commence celle des autres. Les « sens interdits » que notre société s’est créés consistent moins à entraver la liberté sexuelle de certains que de permettre à d’autres de protéger la leur. Et c’est faire preuve d’une grande malhonnêteté intellectuelle que de laisser entendre le contraire.

Peggy Sastre se lance dans un hommage vibrant à l’écrivain Tony Duvert, « qui n’a jamais caché ses penchants pédophiles » mais qui « n’a jamais été poursuivi ni condamné pour des actes de pédophilie. Il s’est contenté d’en écrire, d’en représenter ». La chroniqueuse s’extasie longuement sur les qualités littéraires de l’homme, s’indigne du traitement réservé à son idole par ses congénères et achève son éloge funèbre sur un pathétique couplet, relatant sa solitude aux derniers moments de sa vie.

Un bien curieux appel à la compassion, destiné à servir un argumentaire pour le moins incongru et déplacé. Oui, un pédophile reste un être humain. Qui a dit le contraire ? Oui, il peut avoir des qualités. Encore oui, on peut être bourreau et être aimé (les enfants battus ont toujours une attache affective très forte vis-à-vis du parent qui les bat et la femme battue aime également le mari violent). Et alors ? Cela n’atténue en rien la sordidité de la pensée ou des actes du bourreau. Cela sous-entend encore moins un hypothétique « consentement » de la victime.

J’ajouterais – si l’on va par là – qu’on peut même aussi être bourreau et avoir des sentiments pour sa victime. C’est même fréquent.

Le crime passionnel n’est plus une circonstance atténuante

Les auditions, dans les affaires de viols, de violence et autres crimes « passionnels », regorgent de « j’ai frappé mon gamin mais je vous assure que je l’aime et que je ferais tout pour lui » ou bien « je l’ai violée parce que j’étais trop amoureux et je n’ai pas su me contrôler » ou encore « j’ai tué ma femme, parce que je l’aimais trop ». Même si cela l’a longtemps été pour les tribunaux, ce n’est pas une circonstance atténuante, non plus.

Puis, la chroniqueuse du Plus fait référence à son « passé de petite fille ayant connu bien avant la puberté cette sexualité-là ». Je suis triste pour elle.

Quand bien même cette dernière déclare n’en retirer aucune souffrance, allant même, au contraire, jusqu’à affirmer : « Sans elle, j’aurais connu la solennité de la sexualité, le sérieux de l »intime’ et tous les rites de passages entre vie non sexuée et vie sexuée […] que je considère comme un beau gros tas de merde. » Reste que la relation adulte-enfant est intrinsèquement déséquilibrée.

Un enfant n’est jamais consentant

Une fillette n’est pas armée, n’a pas la maturité psychique lui permettant d’avoir la conscience libre et éclairée de ce qu’un adulte manipulateur lui fait subir. La douce transition dont parle Peggy Sastre existe, mais pas comme ça. Jamais. L’enfant, dans ce genre de contexte, n’est pas consentant. Jamais. Il est abusé. Point.

J’ai moi-même un enfant de 12 ans. Un ENFANT. Dans sa tête et dans son corps. Dans ses jeux, dans ses rires et dans ses rêves. Cette vérité-là ne souffre aucun bémol. C’est son droit. Le plus basique. Le plus absolu aussi. Je serais dévastée, en tant que mère, de n’avoir su ou pu le lui préserver.

Et il découvrira, je l’espère, à son rythme – et non pas au rythme d’un adulte désorienté – ses propres désirs. Son cheminement intime, je le souhaite très fort aussi, sera libre et uniquement guidé par les envies et attentes de son âge.

Mais revenons en maintenant plus précisément au débat qui nous intéresse. Soit on on se contente de faire du journalisme d’information pure, c’est-à-dire un travail de restitution la plus exacte et objective possible de faits, soit on fait du journalisme d’opinion. Et dans ce cas, il appartient aux rédactions d’assumer, a minima, les remarques, débats et éventuelles polémiques qui en découlent. La liberté de penser vaut dans les deux sens.

Je me réjouis des polémiques

Or, on s’aperçoit que la pratique de certains journaux et magazines, sous la pression d’un lectorat indigné, suppriment des articles, offrent leurs plus plates excuses (partielles ou totales), pour leur « maladresse sans nom« . D’autres assignent en justice les vilains diffamateurs (souvent des blogueurs ou chroniqueurs indépendants). Certains, défiant toute logique, s’excusent et assignent en même temps, remettant sérieusement en cause la sincérité de leur repentance.

Grégory Lassus-Debat@GregGLD

@LaPeste « un magazine pro-pedo » ? Je vous donne rendez-vous bientôt… Dans un tribunal.

 

Cependant, il faut bien le dire, une rédaction qui assigne en diffamation, cela sonne comme un aveu d’impuissance. Une impuissance à argumenter, justifier et finalement assumer ses choix. Brandir la menace de l’action en justice est le dernier et minable recours pour rompre un dialogue embarrassant et faire taire les détracteurs gênants.

Pour toutes ces raisons donc, et contrairement à Peggy Sastre, je me réjouis pleinement de ces polémiques qui, comme autant de garde-fous contre la pensée unique, opposent un indispensable contre-pouvoir à la toute puissante machine médiatique. Et je ne suis pas loin de penser que ce travail d' »observation » réalisé en aval par d’autres journalistes, blogueurs ou simples lecteurs ne vient pas à l’encontre, mais en complément de celui réalisé en amont par les rédactions.

La liberté de penser est un principe facile à revendiquer, beaucoup moins à laisser appliquer.

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« Amenez des sous-vêtements sexy » : j’ai postulé à Z Maid, le site de soubrettes coquines

[Article paru le 27/05/13, sur Le Plus Nouvel Obs : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/874928-amenez-des-sous-vetements-sexy-j-ai-postule-a-z-maid-le-site-de-soubrettes-coquines.html]

Z Maid, ce site belge ouvert il y a seulement trois mois, crée la polémique. La particularité de ce site controversé est de proposer à ses clients les services de femmes de ménage sexy et coquines. Un simple clic et l’on peut ainsi réserver en ligne l’une des « maids » (bonne ou servante en anglais) du catalogue de l’agence, laquelle viendra accomplir des tâches domestiques chez vous et dans la tenue de votre choix.

Je décide de postuler par curiosité

Le concept pour le moins insolite de cette agence un peu spéciale éveille ma curiosité et suscite chez moi quelques interrogations. Notamment sur les motivations qui peuvent bien pousser des femmes à travailler sur ce site. Le font-elles par pure nécessité financière ? (« L’avantage, c’est que vous pouvez travailler très peu d’heures par semaine car la rémunération est élevée », précise le site). Agissent-elles par cynisme ? Ou encore par plaisir ?

En parcourant un peu le site, je m’aperçois que l’agence recrute et qu’il est même possible de postuler en ligne. Afin d’obtenir quelques réponses à mes interrogations, je décide (après m’être créé une nouvelle adresse e-mail et sous une fausse identité) de me porter candidate, juste pour voir. Je remplis donc le formulaire et profite de l’espace réservé aux commentaires pour demander des précisions sur le statut juridique des Z maids et sur la part de rémunération qui leur revient. J’y évoque également mes craintes concernant l’aspect sécurité et demande comment l’agence s’y prend pour assurer ce dernier aux femmes de ménages.

À mon grand étonnement, le site se montre très réactif. Moins de 20 minutes auront suffi pour recevoir cet e-mail :

E-mail envoyé par Z Maid en réponse à la candidature de notre contributrice.

Est-ce le gérant lui même ou bien un salarié de l’agence qui me répond ? Impossible de le savoir puisque l’e-mail est signé Z Maid. Toujours est-il que mon interlocuteur élude complètement ma question sur la sécurité, préférant m’appâter avec l’argument financier. Il m’encourage en me faisant miroiter des gains importants et me rassure (ou pas) en m’indiquant que la seule « compétence » requise se résume à « aimer être regardée ». En gros, je serai payée en me faisant plaisir. Enfin, la fin du message est sans équivoque : l’interlocuteur me fait comprendre gentiment que, pour les autres questions, on verra ça sur place, hein.

« Puis-je être nu devant la femme de ménage ? »

Méfiant le monsieur ? Je comprends dès lors que, à moins de payer physiquement de ma personne, je n’aurai d’autres réponses que celles figurant sur l’espace « foire aux questions » du site. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que celles-ci sont essentiellement ciblées sur les aspects « techniques ».

En voici un florilège :

« Puis-je être nu devant la femme de ménage ?

– Oui. »

« La femme de ménage peut-elle nettoyer la salle de bain pendant que je prends une douche ?

– Bien sûr. »

« Que se passe-t-il si j’ai une érection ? – C’est la nature. »

« Arrive-t-il que les femmes de ménage se retrouvent face à deux personnes échangeant un moment de tendresse ? – Cela arrive. »

Et si le site n’offre que peu (voire pas) de précisions sur le statut juridique des maids, le type de contrats et la rémunération, la carte des forfaits et services proposés est, quant à elle, très détaillée.

Show érotique : une mise en scène sexuelle qui n’a rien d’illégal

Pourtant, même si ce site peut heurter la bonne morale ou le puritanisme de certains, il n’en demeure pas moins totalement légal. Son gérant Pascal Milquant n’a de ce fait, au plan juridique, que très peu de chances d’être inquiété. Ce dernier a d’ailleurs indiqué avoir pris les devants en consultant un avocat, avant de lancer son site internet. « Tant que cela reste du voyeurisme, ce n’est pas condamnable », affirme-t-il, sûr de lui, sur le site de la « Dépêche du Midi ».

Nul besoin d’être un spécialiste du droit pour s’apercevoir que les « conditions d’utilisation des services Z Maid », disponibles sur le site, sont bétonnées. L’agence prévient d’emblée qu’il est question de « prestations artistiques » et non de prostitution :

« Z Maid ne fournit aucun service sexuel, il ne s’agit pas d’un service d’escort. […] Tout rapport sexuel manuel ou contact physique est strictement interdit, toute tentative entraînera automatiquement la fin de la prestation. »

« Il n’y a aucun service ou rapport sexuel ni contact physique, il suffit de faire le ménage dans la tenue souhaitée par le client. Soit une tenue habillée normalement ou bien coquine, sexy, en tablier, soit partiellement ou totalement dévêtue », peut-on lire encore dans la note adressée aux candidates potentielles.

Le site ne pourra pas, non plus, se voir reprocher de porter atteinte aux bonnes mœurs puisque les prestations ont lieu au domicile du client et non sur la voie publique (« Cela doit rester discret et ne peut se faire en présence de personnes qui ne seraient pas informées ou mineures », est-il précisé dans la foire aux questions. Quant à la question du respect du droit social, le site précise que les femmes de ménage « sont toutes déclarées » et ont « un contrat ».

Cela étant, le concept mis en avant par l’agence Z Maid n’a rien de nouveau. Certes, l’ambiguïté autour de la nature de la prestation est volontairement maintenue, laissant croire qu’il s’agit de ménage « érotisé ». Mais en réalité, il s’agit ni plus ni moins d’un show érotique où les femmes ne font que mimer des tâches ménagères. En somme, c’est la mise en scène sexuelle de leurs corps qui fait l’objet d’une vente (et non le ménage). Comme c’est également le cas pour une « gogo » danseuse, un mannequin posant nu pour une publicité ou encore une actrice X. Et ce sans que cela ne pose le moindre problème d’un point de vue juridique.

« Ajouter au panier » une soubrette à poil

« Votre femme ne le saura pas. » Cette phrase qui saute aux yeux en page d’accueil du site ne laisse guère de place au doute : Z Maid est un site exclusivement dédié au plaisir masculin. Un site conçu par l’homme pour l’homme et qui, en outre, offre une image dégradante de la femme. Reléguée au rang d’objet, celle-ci se voit monnayée sur la toile, telle une vulgaire marchandise. Et l’utilisation du langage e-commerce (« ajouter au panier », « commander », « réserver ») ne fait qu’accroître le malaise. Il suffit d’entrer les coordonnées de sa carte bancaire et, hop, on « achète » sa soubrette, à poil et à quatre pattes.

Le forfait Maid Nature comprend une Z Maid à domicile pendant une heure, en tenue habillée, en tablier ou en tenue sexy, soit topless soit entièrement nue (capture d'écran).

Le forfait « Maid Nature » comprend une Z Maid en tenue habillée (tablier ou tenue sexy), ou bien seins nus ou nue (capture d’écran).

Par ailleurs, le « jeu de rôle » proposé par le site, consiste purement et simplement à mettre en scène l’aliénation de la femme par l’homme. Le plus dégradant ne se situant pas dans le fait de se dévêtir mais dans celui d’accomplir des tâches avilissantes, de se trouver en position de soumission, d’infériorité par rapport à l’homme.

Certes, on peut être tenté de dédramatiser le concept, en arguant que la notion d’humiliation est relative et arbitraire. Certaines trouveront, en effet, moins avilissant de jouer du plumeau en tenue d’Ève devant un inconnu que d’être obligées de sortir ses poubelles, de récurer ses toilettes ou de laver son linge sale.

Certes, personne ne peut juger ni préjuger du ressenti d’autrui. Et disposer de son corps comme on l’entend relève de la liberté individuelle de chacun. Mais la création d’un climat de toute puissance masculine, fût-il imaginaire, n’est pas sans danger.

« Jouer » à DSK et Nafissatou Diallo n’est pas sans danger

Car dans ce jeu de rôle sordide où la femme se retrouve totalement à la merci de l’homme, où les hommes « jouent » à DSK et la femme à Nafissatou Diallo, la porte de tous les dangers est grande ouverte.

Entre l’imaginaire et la réalité, la frontière est parfois si trouble qu’il peut être terriblement tentant pour certains de déraper et franchir la ligne rouge. Et ce qui, à l’origine, devait être un jeu peut vite basculer dans le fait divers (insultes, attouchements, agression ou viol). Le site paraît, d’ailleurs, bien léger au regard de la sécurité de ses employées : n’importe qui peut réserver une Z Maid, il suffit juste de posséder une carte bancaire. Tout juste l’agence demande-t-elle aux filles d’envoyer un SMS avant et après la prestation « pour s’assurer que tout va bien ».

Reste qu’avec 1500 membres et plus de 12.000 visites (selon l’hébergeur) en trois mois, le site semble faire de nombreux adeptes et ne manque ni de clients, ni (encore plus surprenant) de candidates. Plus désolant encore, certains ne pourront s’empêcher d’élaborer de grandes théories sur les fantasmes féminins (du style « les femmes aiment se mettre en danger et être traitées comme des objets »), à l’instar du réalisateur François Ozon lors de la présentation à Cannes de son film sur la prostitution d’une jeune fille.

Et de généralités en raccourcis on finira même par en oublier le moteur principal : l’argent.

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Opinions, analyses, Témoignages

Bernard Pivot et Katsuni au festival Livres en Tête : l’art de faire du porno un objet culturel.

[Article publié le 22/11/12, sur Le Plus Nouvel Obs : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/713324-bernard-pivot-et-katsuni-l-art-de-faire-du-porno-un-objet-culturel.html]

Qu’est-ce donc que le porno ? J’avoue ne m’être jamais posé la question « en profondeur » – oserais-je – avant samedi dernier, date à laquelle se tenait à Paris la soirée « Bal à la page » qui clôturait le Festival du livre en tête 2012. Cette soirée, placée sous le signe du libertinage, visait à récompenser les meilleurs nouvelles  des auteurs ayant participé au concours du prix « Livres en Tête », catégorie « libertin », cela s’entend.

Je vous raconte ?

Pivot et Katsuni ? Drôle de duo

Tombant par hasard sur cet évènement, il y a quelques semaines, je fus tout de suite intriguée par le fait que ce concours était présidé par le journaliste, écrivain et critique littéraire M. Bernard Pivot, et « marrainé » par l’actrice X et productrice Katsuni. Une association de deux figures médiatiques qui me sembla étrange, pour ne pas dire cocasse.

Amusée et motivée par la perspective de rencontrer ces deux « emblèmes » chacun dans leur domaine respectif, je décide de me prêter à l’exercice et de « mettre le paquet » (oserais-je à nouveau) en rédigeant un texte court très fortement suggestif (rapport à Katsuni) et en veillant à soigner particulièrement le style (rapport à B.Pivot). Quelques heures de labeur plus tard, il en ressort ce texte, qui au final devait être dans le ton, puisque quelques jours plus tard, je reçois ma nomination, autrement dit mon passeport pour la découverte du « neo-porn ».

Le « new porn », la nouvelle tendance ?

Comme tout le monde, j’ai été témoin de l’incroyable engouement médiatique pour le roman  » Fifty shades of grey » et j’ai vu fleurir, en rubrique sexo/psycho des magazines, des centaines d’articles prônant le visionnage de films pornos pour relancer les libidos essoufflées de couples embourbés dans leur inéluctable routine sexuelle. J’avais donc bien à l’esprit que le porno, plus précisément le « neo » ou le « new porn », est devenu un phénomène sociologico-culturel tendance.

Mais dans le métro qui me conduisait vers cette soirée « sex-chic », le mystère, dans ma tête, demeurait cependant entier : en vérité, où est le porno ? Qu’est-ce exactement que le porno ? Quelles nuances recouvre-t-il ? Quelle est la frontière exacte entre porno et érotisme ?

Le caractère porno de telle ou telle scène vidéo, image ou texte littéraire se juge-t-il à son contenu ? À sa forme ? Aux deux ? Est-ce la nature même des actes sexuels décrits qui compte ? Le fait d’évoquer telles ou telles pratiques sexuelles, considérées comme plus « hard » que d’autres (sodomie, double-pénétration, etc.) ?

Ou bien ferais-je « fausse route » (oserais-je, pour la 3e fois) et mesure-t-on plutôt le degré porno d’une scène, au degré de « visibilité », de suggestivité de sa mise en scène ? En cinéma comme en littérature, un angle de vue pour la caméra, des mots à peine voilés ou métaphorés, peuvent, en effet, tout changer.

Alors… Bonbon ou emballage, le porno ?

Un porno presque intello, le public est perdu

Arrivée à la soirée, j’écoute et me laisse bercer par la voix magique des livreurs (lecteurs à voix haute, tous très chics dans leurs costumes) qui entonnent de façon théâtrale et somptueuse une sélection de textes libertins très « gratinés », pour la plupart d’entre-eux. Mais la qualité littéraire est là, indéniablement. Gagnée peu à peu par l’atmosphère délicieusement subversive, flottant dans la salle bondée (qui n’est autre que le Réfectoire des Cordeliers, ancien couvent, cela ne s’invente pas !), je me dis qu’au fond, le porno n’est décidément pas qu’une façon spéciale de pratiquer le sexe, mais bien une manière de le mettre en scène, d’abord, de l’interpréter, ensuite, et de le percevoir, enfin.

Puis vient l’arrivée en scène du tandem tant attendu Bernard Pivot-Katsuni et, avec elle, la preuve incarnée qu’aujourd’hui, nous sommes définitivement bien loin de la vision pornographique cliché-esque des films dégoûtants matés en cachette, dans l’obscurité coupable de son salon ou d’une petite salle de quartier dédiée. Un Bernard Pivot à l’oeil coquin, se régalant de la beauté brutale des mots, d’un côté et une élégante Katsuni au langage distingué – à l’image de la petite robe noire, cintrée mais sobre, qu’elle a choisi de porter ce soir là –, de l’autre.

Chacun d’eux nous invitant joyeusement et à sa manière, à dépasser nos tabous, et à « prendre le plaisir partout où il se trouve », sous toutes ses formes. Le porno peut donc parfois être esthétique. Cérébral, même. Les rôles se mélangent. Les frontières entre « blanc et noir » s’estompent, les notions de « bien et mal » deviennent caduques. Les préjugés sont balayés. Le public est presque perdu.

Le porno n’est que ce qu’on en fait

Alors, oui, le porno peut être dur, violent et sombre. Il porte (trop) souvent atteinte à l’intégrité de la femme, véhiculant une image d’elle, dégradante. Mais on découvre que, pareil à un costume sur mesure, il s’adapte aussi à l’individu qu’il habille. Et c’est probablement pour cela qu’il tend à se démocratiser aussi nettement aujourd’hui. Véritable domaine d’expression « interactif », le porno obéit à une logique artistique : tel un tableau, il peut toucher des publics différents, sous différentes formes et pour différentes raisons ; chacun est libre d’y trouver une interprétation ou un écho spécial, fonction de ses envies, son vécu personnel ou ses références culturelles propres.

Finalement, du « Mom-porn » au « Comic-porn », en passant par le « Bobo-porn », le porno d’aujourd’hui semble pouvoir se décliner sous de multiples facettes, s’avèrant ainsi être un parfait catalyseur de tendances sociologiques, dans la mesure où il cristallise des projections, des représentations mentales individuelles diverses et variées.  Et, quoique l’on en pense ou dise, ce pouvoir tout particulier d' »universalisation » est bien propre à l’art.

« En fait, le porno, c’est ce qu’on en fait », concluai-je finalement, la fin de soirée venue, en cherchant ma station de métro.

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« Presque Dieu » et …désir d’enfant.

[Article publié le 27/09/13, sur Bas geek instinct, Les Inrocks : http://blogs.lesinrocks.com/basgeekinstinct/2012/09/27/presque-dieu-et-desir-denfant/]

Çà y est, je crois que je l’ai rencontré. Pas Dieu, non… Presque. LE bipède de sexe masculin aux qualités incommensurables (que je tairai moins par souci de protéger son anonymat que celui de le protéger des assauts de la concurrence féminine).

Quand je me suis trouvée devant lui pour la première fois, ça a été comme une décharge électrique qui me traversait de part et d’autre. Et depuis, à son contact, c’est comme si j’avais en permanence les deux doigts dans la prise : peau électrisée, fibrillation ovarienne, libido en surchauffe et cerveau disjoncté. Oui. Rien que ça. De plus – bonus providentiel – PresqueDieu cuisine comme un chef étoilé et a su donner un second souffle à mon vieux four électrique.

Et – magie – passés 6 mois de cette épreuve du feu, ça ne sent toujours pas le cramé entre nous. Pire, un soir, après un dîner bien arrosé, nous avons même évoqué en riant, l’éventualité de respirer un jour, ensemble, une odeur toute autre. Celle du lait 1er âge, du Mustela et du biscuit à la cuillère mouillé. Vous avez bien compris, je ne vais pas vous faire un dessin.

Puis, il en a reparlé une autre fois. C’était un matin, comme çà, sur l’oreiller. Cette même odeur fût, à nouveau, le fil conducteur d’une discussion branchée sur du 220 volts émotionnel. Les plumes de l’oreiller avaient presque fondu.

Effectivement, si l’on fait abstraction du fait que :

– j’ai déjà un gamin de mon côté

– PresqueDieu en a déjà un aussi du sien.

– je rechigne un peu à m’infliger une hygiène de vie monastique (haro fortement conseillé par le corps médical sur les clopes, alcool et autres substances toxiques)

– j’émets quelques réserves sur le fait d’être condamnée à dormir debout le jour et assise la nuit (rapport aux brûlures d’estomac)

– j’ai quelques freins à l’idée de livrer mes états d’âme à la merci des fluctuations d’hormones capricieuses et volatiles, ainsi qu’à la perspective de voir mon  humeur épouser la courbe sinusoïdale d’un courant alternatif.

– je me refuse catégoriquement à porter djellaba de fakir et autres toges de vieux sages grecs, qu’on ose nous vendre comme vêtements pour femmes enceintes

– je m’oppose fermement à devenir la réplique féminine de Iz (kilos en plus, mobilité  réduite et ralentie en prime)

– j’ai enfin quelques réticences à bousiller tous mes plans de carrière (je viens juste de refaire surface socialement)

C’est sûr, si on fait abstraction de tout çà, l’idée de « fusionner » avec PresqueDieu me paraît presque bonne :

– je retrouverai la peau de pêche et le teint frais et rosé de mon enfance (ce qui est un minimum, au vu des lourds sacrifices consentis évoqués plus haut) et -indispensable- de beaux ongles [Sauf que dans la vraie vie, de beaux ongles ne servent strictement à rien, à part peut-être à gratter le bandeau poudré gris des Bancos et éventuellement essayer de décoller (sans jamais y parvenir complètement) cette fichue étiquette-prix orange de l’emballage du CD qu’on veut offrir].

– j’aurai également une poitrine de rêve* (*bémol tout de même : une poitrine de rêve CONSIGNEE, puisqu’il faudra rendre les gros seins à la fin du contrat).

– de surcroît (et ce, en dépit d’une opulence mammaire provisoire, donc), il faut reconnaître que la grossesse reste, malgré-tout, une parenthèse dans la vie d’une femme, propice à l’amitié. C’est un fait, enceinte, on se fait beaucoup plus de copines. Tout simplement parce que, vous voyant ainsi « neutralisée » sur le plan du potentiel érotique, les autres femmes vous regardent d’un air complice et attendri, et non plus comme une rivale à abattre (essayez vous verrez).

L’angoisse, c’est que je me demande si PresqueDieu saura se comporter en héros et se montrer capable de gérer l’«Autre ». C’est à dire la personne légèrement chamboulée et un poil casse-c……. que je deviendrai inexorablement sous l’effet des oestrogènes. Tantôt exaltée, tantôt désespérée, submergée d’envies contradictoires, impossibles à satisfaire :

« j’ai la nausée mais je pense que j’ai faim quand-même »,

« j’ai chaud ou j’ai froid, j’en sais rien en fait »,

« chéri, fais-moi l’amour, mais pas trop », etc…etc…

A vrai dire, je m’inquiète aussi de ne pas savoir comment réagira  PresqueDieu lorsque je l’enverrai, en pleine nuit, me chercher un verre de jus de goyave du Nigeria (à boire absolument avec une paille) ou une tasse de lait de chèvre de Patagonie, aromatisé aux véritables gousses de vanille de Madagascar ?

Bref, me voilà donc les deux doigts dans la prise, en train rêver à ce petit être qui serait mon point faible et mon point fort à la fois, mon doux point de dérivation. Une sorte de « raccord » de fil, de soudure indestructible entre PresqueDieu et moi. Oui, c’est vrai ça au fond, il faut se détendre un peu : avoir un enfant avec un bipède de sexe masculin, ce n’est jamais rien d’autre qu’une histoire d’accepter ou non, le risque de grimper de quelques ampères avec lui, ce, sans installer aucun fusible.

Finalement, un auto-blogging-debriefing, c’est toujours utile… On n’est jamais à l’abri d’une envie soudaine de lait de chèvre de Patagonie aromatisé aux véritables gousses de vanille de Madagascar… d’autant que … oups ! : sonate n°17 en ré majeur de Franz Schubert [la sonnerie de mon portable]

Ah… Ce doit être PresqueDieu…

Je vous laisse… On s’tient au jus.

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L’âne de Buridan, le string et la culotte

[Article paru le 08/08/12, sur le blog Bas geek instinct – Les Inrocks : http://blogs.lesinrocks.com/basgeekinstinct/2012/08/08/lane-de-buridan-le-string-et-la-culotte/ et sur le site Madmoiz’Elle.com : http://www.madmoizelle.com/culotte-string-ane-buridan-121157]

Notre existence est un long parcours jalonné d’options. Sans boussole ni GPS, chacun d’entre-nous trace sa propre feuille de route, à travers les choix qu’il opère. S’il y a les choix cruciaux, qui engagent ou conditionnent le reste de votre vie,  il y a aussi les petits choix futiles qui détermineront pourtant la couleur de vos journées, l’odeur d’une poignée d’heures et même le goût d’un instant fugace. Vivre, en somme, c’est retenir, éliminer, opter, préférer, décider à chaque instant, à chaque bouffée d’air inspirée.

Et parfois cela commence au saut du lit. 6h15. Réveil. Pas envie d’aller au boulot, sachant qu’en plus à cette période, tout le monde est en vacances. Comment m’habille-je ? Histoire de gagner quelques minutes sous la couette, je décide de mener la réflexion depuis mon lit, plutôt que devant mon dressing. J’hésite entre mon jean élastane super confortable qui me fait un cul genre « incognito » ou bien mon petit pantalon lin blanc moulant qui me fait un cul genre « VIP ».

Normalement, une nana épanouie et bien dans sa tête, ne se pose même pas la question : c’est cul « VIP » direct, sans l’ombre d’une hésitation. Oui mais là, j’ai dormi 2 h, un mal de crâne pas possible et une motivation de cigale  amorphe en phase terminale. De plus, qui dit lin blanc, dit transparent, dit string (c’est mathématique). Seulement là, je ne suis pas vraiment disposée à me sentir torchée essuyée (ce n’est pas parce qu’on est un poil de mauvaise humeur qu’il faut se laisser aller à la vulgarité) toute la journée durant, au bureau, par une  bandelette en tissu dentelé de 1,5 millimètres de large. Je verrais donc infiniment mieux le jean avec culotte moche – mais confortable – en dessous. Sauf que primo, le jean en question est celui que j’ai porté à l’after-work d’hier soir, qu’il tient quasiment debout tout seul et qu’il empeste le tabac froid. Et deuxio, bien-sûr c’est vendredi et je n’ai plus rien d’autre à me mettre. Black-out vestimentaire intégral.

J’attrape mon blackberry pour checker l’heure… Outch ! Ca fait déjà 10 minutes que je tergiverse sur cette histoire de string-culotte, quand machinalement, j’ai l’idée de taper « choix » « difficile » sur l’écran tactile, comme çà, peut-être juste pour gagner encore un peu de temps. Résultat de la recherche : « Le paradoxe de l’âne de Buridan ». Interpellée, je checke à nouveau l’heure. Si je zappe la douche, j’ai encore 10 minutes pour satisfaire ma curiosité, piquée à vif par cet âne étrange et percer le mystère qui l’entoure… La légende dit que cet âne serait mort de faim et de soif, entre son picotin d’avoine et son seau d’eau, faute d’avoir pu choisir par quoi commencer. Un dilemme poussé à l’absurde, occasionné par un phénomène de double contrainte.

Le con.

(Si. Je regrette, même s’il a d’autres qualités érectiles notoires, l’âne reste cependant un animal stupide).

Me voila donc bien avancée. Rapide coup d’oeil aux résultats de recherches suivants : il y a tout plein de citations de mecs connus sur le thème « choisir ». Bon… Si je prends mon café au bureau, plutôt que chez moi, il me reste environ 8 minutes avant d’aller attraper le bus en bas de la rue. Voyons donc ce qu’en pensent, les grands pontes en philosophie. Qui sait, l’un d’eux me fera peut-être pencher côté string ou l’inverse, pourvu qu’il me fasse pencher, doux Jésus, l’heure tourne.

1- « Un homme doit choisir. En cela réside sa force : le pouvoir des décisions » Paulo Coelho

Le pouvoir serait donc subordonné à la faculté ou non de faire des choix. En clair, si je ne suis pas capable de choisir, on ne pourra pas confier de responsabilités. Il faut donc que  je tranche rapidement en faveur du string (si toutefois je dois prendre le string). Ainsi, Gérard se rendra probablement enfin compte de mon immense motivation et me refilera volontiers le dossier « Freemax », qui passera du coup sous le nez de Martine (Gérard c’est mon boss, 30 ans de boîte, la cinquantaine bedonnante, machiste et libidineuse. « Freemax », c’est The dossier-que-tout-le-monde-veut, sur lequel je bave depuis des semaines et qui filerait un sacré coup de boost à ma carrière. Martine, c’est la vieille peau qui partage mon bureau, en fin de course mais  toujours en sprint, qu’on peut suivre à la trace grâce aux tranchées creusées par ses dents sur le parquet de l’open-space et qui, naturellement, veut aussi « Freemax »…) [jouissif].

2- « La volonté trouve, la liberté choisit. Trouver et choisir, c’est penser » Victor Hugo

Pas mal. Si je transpose, ma volonté à moi réclame le string, alors que ma liberté, elle, choisirait bien la culotte. A en croire le proverbe, Il faut tenter d’associer volonté et liberté pour penser pleinement. Autrement dit, si j’applique l’idée à ma situation, cela revient ni plus ni moins à superposer mon string sur ma culotte [absurde].

3- « Choisir c’est se priver du reste » André Gide

Cà se tient. Si je choisis le string,  je renonce à mon confort, mais je prends un avantage considérable sur Martine, dont les fesses ont perdu leur combat contre l’apesanteur depuis longtemps, et je mets ainsi toutes les chances de mon côté pour récupérer le dossier « Freemax ». En revanche, si je choisis la culotte, je renonce à mon dossier, mais je n’aurai pas ce fichu bout de fil entre les fesses toute la journée. Je serais donc super à l’aise au bureau,  pourrai croiser, décroiser les jambes à souhait, me pencher en avant, en arrière et sur les côtés pour attraper ou déplacer des dossiers… mais des dossiers nuls et sans intérêt puisque « Freemax » sera tombé aux mains de Martine (cf paragraphe 1) [Insupportable].

4- « Ne pas choisir, c’est encore choisir » J-P Sartre

Un tas d’autres intellectuels préconisent, quant à eux, le non-choix chaque fois que cela est possible. Si je transpose cette théorie à mon cas de figure, je ne m’impose rien qui me déplaise et ne m’interdit rien qui me convienne : je mets donc le lin blanc moulant qui me sied le mieux, mais avec la culotte de grand-mère en dessous. Et hop ! [Nul].

5- « Qui veut choisir prend souvent le pire » Mathurin Régnier

C’est vrai çà, choisir c’est prendre le risque de se tromper. Imaginons que je prenne l’option jean-culotte. Je suis en retard. Je descends du bus. J’arrive à un passage clouté, je voudrais bien traverser, mais le feu est vert. Aucun automobiliste ne me laisse passer. Peut-être que si justement j’avais eu un string, le blaireau qui me reluque d’un air condescendant, en fumant sa cigarette vitres ouvertes, m’aurait laissé passer. Je n’aurais alors pas été en retard au « brainstorming » et Gérard n’aurait pas refilé le dossier « Freemax » à Martine [Risqué].

Toujours plus indécise, j’ai de plus en plus mal au crâne. Et bien que l’âne de Buridan ne m’apparaisse pas comme le meilleur conseiller en matière de choix, je me résigne tout de même à lui demander son avis.

– Tu ferais quoi à ma place ?

– Tu le sais : je ne pourrais pas me décider et j’en mourrais.

– Donc, si je transpose ton cas au mien (quitte à pousser la connerie jusqu’à son paroxysme) comme je ne peux pas choisir, je ne choisis ni le string, ni la culotte et du coup, je ne vais pas du tout au boulot ou bien alors j’y vais nue … C’est bien çà, ta logique?

– Oui… Mais toi tu ne meurs pas.

– Mais… Je ne me fais pas virer dans les 2 cas ?

– Si. [air niais]

– Donc quelque part, je me suicide professionnellement un peu quand-même, non ?

– Haaan! [air de vainqueur]

Le con (me dis-je en moi-même).

Mais j’ai dû le penser si fort, que l’âne, soudain vexé, me fit remarquer que je ne devais guère être beaucoup mieux que lui, puisque j’étais moi-même en train de parler avec un âne…

– Ok, ok, je sais… J’ai besoin de vacances…

– C’était pas hier, après le boulot, ton pot de départ en vacances ?

– …

– Hi-hi !

– Attends… Tu veux dire que je suis en train de rêver que j’arrive pas à choisir entre un string et une culotte et que je demande son avis à un âne de Buridan ?

– Haaaaaaaan!

Tout me revient maintenant. L’after-work. Puis l’after-after-work. Et enfin l’after-after-after-work. Les bises appuyées et accolades chaleureusement alcoolisées avec les collègues, les « Bonnes vacances! », « A la rentrée! ». Mon lit. Le plafond. Cet atroce mal de crâne.

La conne.

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Lol, Témoignages

Bordélique un jour, bordélique toujours: les 10 fausses bonnes idées à ne pas suivre

[Article paru le 19/07/12, sur le blog Bas geek instinct – Les Inrocks : http://blogs.lesinrocks.com/basgeekinstinct/2012/07/19/bordelique-un-jour-bordelique-toujours-les-10-fausses-bonnes-idees-a-ne-pas-suivre/]

« Bordéliques » : tel est le terme familier généralement utilisé pour désigner les personnes qui génèrent du bordel, ou encore fortement désordonnées. Les bordéliques se voient aussi parfois affublés du doux surnom d »écureuils » car, tout comme ces adorables petites bestioles le font avec les noisettes, les bordéliques accumulent quantité d’objets, sans pouvoir être capables de les retrouver ensuite.

Mais derrière cette appellation bon enfant, se cachent, en réalité, de vraies souffrances – exprimées ou non – tant du côté du bordélique que de ceux qui vivent à ses côtés. A quelques exceptions près en effet, la plupart des bordéliques avouent se sentir impuissants, honteux, voire même malheureux face à ce comportement qui les condamne à être « prisonniers » de leur propre désordre [Et puis, dans le cas contraire, je ne serais pas là à essayer d’écrire un billet sur les bordéliques, ni vous ici, occupés à le lire].

J’avoue que moi-même je ne m’étais jamais torturé l’esprit avec ce genre de problématique (apparemment anodine) d’intendance ménagère. Etais-je, moi aussi, à « ranger » (ahaha!, respect scrupuleux du champ lexical) dans la catégorie des bordéliques ? A vrai dire, je me fichais de cette question comme de ma première balayette et de mon premier plumeau à poussière. Mais çà c’était avant samedi dernier… Au cours de cette soirée somme toute très banale, j’ai ressenti pour la toute première fois les inquiétants prémices d’un début de questionnement intérieur. Explications (et hop, je change de paragraphe).

Des copines débarquent à l’improviste. La suite vous la connaissez : décision d’apéro dînatoire, 45 minutes pour trouver un décapsuleur, 53 autres pour mettre la main sur ce fichu accessoire de robot qui permet de mixer vite-fait (normalement) une tapenade maison. Je ne vous parle même pas des longues minutes perdues à jouer à des « chasses au trésor-portable » improvisées avec les copines (une qui compose le numéro du trésor, les autres qui cherchent d’où vient le son) pour tenter de retrouver ces satanés téléphones qui vont systématiquement se camoufler dans les coins les plus fouillis de l’appart. Fin de soirée bien arrosée, donc (c’est dingue ce que çà donne soif les « chasses au trésor-portable »), Elodie décide de rester dormir. Elle a raison, Elodie, c’est plus prudent… En entrant dans ma chambre,  elle lâche poliment un :

– « décidément, j’adore la déco… C’est quoi au sol, du parquet ou du carrelage ? »

–  « … »

– « T’as pas un vieux t-shirt à m’prêter pour la nuit ? »

– « Si »  (ai-je le temps de glisser en ouvrant la porte de ma penderie, soit juste un dixième de secondes avant de finir quasi-assommée et ensevelie sous une immense pile de pulls, culottes, chaussures, t-shirts et autres objets qui, d’après le regard consterné d’Elodie [et objectivement], n’ont rien à faire dans un placard à fringues…)

– « Oh, un sèche-cheveux ! » (ok, j’admets)

– « Oh, des magazines de l’année dernière !! » (bon, oui… j’admets aussi)

– « Oh, des plaquettes de chocolat-noisettes !!! »

– « Hi-hi… » (Un peu gêné tout de même le « hi-hi », parce que vous comprenez, c’est ma planque…). Bon sang, mais elle va arrêter de…

– « Oh, le joli petit canard !!!! »

– »… » (Cette fois-ci, gêne puissance 10, c’est aussi ma planque…).

A cet instant, ce fut le déclic.  Je me suis dit qu’il fallait que cela change. Vite. Très vite. Sinon je pouvais faire une croix sur ma vie sociale pour les dix prochaînes années à venir, sans parler d’une hypothétique vie de couple future.

Ce jour là, j’ai compris la nécessité éprouvée par le bordélique de lutter contre ses penchants, de contrecarrer, en quelque sorte, sa propre nature. Car toute la difficulté réside dans le fait qu’il n’y a pas de bordélique occasionnel ou provisoire, que des bordéliques chroniques. Plus qu’un (mauvais) penchant, le bordélisme est en fait un état, voire une seconde peau. « Chassez le bordel, il revient au galop » : il apparaît dès lors essentiel, de bien vite dédramatiser tout en restant lucide. Autrement dit savoir, face à notre mauvaise foi et aux fausses bonnes idées, raison garder.

Naturellement, vaincre sa mauvaise foi implique de cesser d’utiliser les arguments-type et autres prétextes à deux dachmes couramment utilisés par les bordéliques pour justifier leur propension au désordre. En voici une liste (non exhaustive), parmi leurs préférés :

– « Mon bordel à moi est organisé ». C’est un oxymore : il ne peut ontologiquement pas y avoir de bordel digne de ce nom, organisé.

– « J’ai pas l’temps de ranger ». Vu que çà prend à peine un quart de seconde pour jeter un truc à la poubelle ou de le ranger au fur et à mesure, cette phrase transpire la mauvaise foi.

–  »J’ai pas assez de meubles de rangement ». Le bordélique veut vous faire croire qu’une simple virée chez Ikea, mettra fin d’un coup de baguette magique, à des années d’errances bordéliques (argument d’autant moins recevable qu’en général, plus on a de rangements chez soi, plus on stocke et plus on « capitalise » le bordel).

– « J’ai une âme de collectionneur ». Alors là : mauvaise foi caractérisée! Autant on peut être crédible lorsqu’on collectionne des timbres, des statues ou des tableaux, autant des papiers, emballages, flacons de shampoing vides, beaucoup moins.

– « Je fais çà pour ne pas être cambriolé, en fait ». Oui, c’est énorme, mais certains bordéliques n’hésitent pas à arguer que les voleurs, découvrant un appartement déjà sans dessus-dessous, abdiquent et tournent les talons, pensant avoir été précédés par des collègues.

Après la chasse à la mauvaise foi, traquons à présent les fausses bonnes idées (FBI). Voici donc le top 10 (par ordre croissant de débilité) des FBI à ne pas suivre :

1- Vouloir assumer son bordel quand-même et décréter qu’on vit très bien avec. C’est en réalité une non solution, puisque cela revient à nier le fait qu’être bordélique gêne souvent votre rapport à autrui et constitue pour vous un vrai handicap social.

2- Tenter de trouver des solutions sur le net. S’il existe toutes sortes de forum, de thérapies collectives, de sites de coaching virtuel, sachez qu’il n’y a aucune solution valable sur le net. Pas la peine, donc, de s’inscrire aux Bordéliques Anonymes (site bidon qui vous explique en 2 tomes soumis à droits d’auteur, comment ranger, mais aussi et surtout comment se prendre 10 pages de pub en 2 clics).

3- Courir chez le premier psy venu, ce qui vous évitera de tomber sur quelque specimen de bas étage, pratiquant la psychologie version sauvage et bon marché.  Avec un amateurisme évident et une cupidité certaine, ce « sauveur d’âme » vous plombera le moral en insistant sur vos faibles chances de guérison spontanée, et en invoquant des raisons aussi obscures que contradictoires : immaturité, refus de grandir, impossibilité de se détacher de son passé et de se tourner vers l’avenir, peur de la mort, égocentrisme, mégalomanie, refus de faire de la place aux autres, etc…

4- Embaucher une femme de ménage. A priori, faire appel à une tierce personne, professionnelle et neutre, peut sembler une bonne idée. Mais c’est en réalité totalement illusoire. Personne ne peut trier vos affaires à votre place. Vous seul pouvez déterminer ce à quoi vous tenez ou pas, faute de quoi frustration et aigreurs viendront alimenter une situation conflictuelle, qui se soldera de toute façon par le renvoi de cette pauvre personne (pourtant embauchée avec conviction). [Par ailleurs, cette personne ayant été engagée pour faire le ménage, il faut, en toute logique, qu’elle puisse disposer d’espaces suffisamment « dégagés » pour pouvoir passer l’aspirateur et faire la poussière, ce qui, objectivement, chez un bordélique, n’est possible qu’en rêve…]

5- Se résigner au célibat pour n’imposer son bordel à personne d’autre qu’à soi-même. Noble décision, mais condamner sa vie sexuelle ou amoureuse pour de sombres histoires de bordel, c’est moche.

6- Renoncer à toute vie sociale, par honte de recevoir. C’est moche aussi.

7- Vivre avec un autre bordélique. FBI : on ne supporte pas aussi bien le bordel des autres que le sien, des tensions au sein du couple (pourtant homogène) seront donc à prévoir.

8- Vivre avec un maniaque. Certes, le psychorigide vous suivra à la trace et rangera partout où vous passerez, mais la rancoeur s’accumulera et l’ambiance dans votre foyer sera vite intenable.

9- Vivre avec une personne « normale » bordéliquement parlant, mais en se réservant une zone « privée » de bordel et en prenant soin de respecter les zones « neutres » communes. Mais ce qui paraît être un bon compromis, favorisant la cohabitation du bordélique avec le reste de la maison, n’est en fait qu’une solution provisoire, car la zone « privée » finira, hélas, toujours pas déborder et envahir géographiquement les zones « communes ».

10- Mettre le feu dans l’appart une fois tous les 5 ans et jachériser ensuite la surface habitable pendant quelques mois. Mais cette solution, de loin la plus radicale sur le court-terme, s’avère inefficace sur le plus long-terme, le bordel repoussant de plus belle.

En résumé : beaucoup de FBI, mais peu de vraies solutions. Un constat sans appel qui ne doit pas pour autant nous faire sombrer dans le fatalisme mais au contraire, nous inciter à plus de philosophie. En commençant par exemple, par convenir que nous ne sommes pas tous égaux devant le bordel (le seuil de tolérance variant en effet d’une personne à l’autre). Ainsi, de la même façon qu’il existe un « poids de forme » pour chacun, il existe aussi un « bordel de forme ». Tout bordélique qui réussira à déterminer ce fameux point d’équilibre (ou de rupture) et ensuite à s’y tenir, aura sans aucun doute franchi une étape importante, qui lui permettra peut-être un jour, de dompter le chaos qui règne dans son antre.

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C’est décidé : pendant les vacances, je « nomodécroche »

[Article publié le 08/07/12, sur le blog Bas geek instinct – Les Inrocks : http://blogs.lesinrocks.com/basgeekinstinct/2012/07/08/cest-decide-pendant-les-vacances-je-nomodecroche/]

Bonjour, je m’appelle Nathalie et je suis malade : je suis « nomophobe ».

Paraît-il que c’est déjà un pas vers la guérison que de reconnaître sa maladie…

Une étude récente, réalisée par la société Mingle et menée sur 1500 utilisateurs a montré que 22% des français souffriraient également de ce syndrome techno, qui se caractérise principalement par la peur panique d’être privé de son téléphone portable. Les médias, à fortiori les magasines santé se délectent de cette maladie toute neuve, qui vient grossir, en exclusivité, leurs colonnes éditoriales. Ce qui est nouveau est « hype », « trendy » donc lu. Car on le comprend bien, comme le souligne J.P Gauffre dans sa  chronique Il était une mauvaise foi sur France Info [si par miracle tu me lisais Jean-Pierre, sache que je suis fan de ton humour et que moi, je te crois toujours] cette maladie ne pouvait exister à l’ère de Cro-Magnon, ni au temps des Croisades (et pour cause).

En réalité, il n’y a là aucun scoop : la « nomophobie » n’est qu’une complication, une déclinaison particulière de la « web-addiction » ou encore « cyberdépendance » que nous connaissions déjà depuis le boom du tout-numérique. Mais enfin, au contentement des médias s’ajoute au moins le mien, ou plutôt celui de l’hypocondriaque qui sommeille en moi. « Nomophobie » (néologisme anglais, contraction de No Mobile Phobia) : j’ai enfin pu mettre un nom sur ce mal dont je souffrais sans le savoir. Je me sens d’un coup soulagée, comprise. Nul doute que les médias parleront de plus en plus de cette toute nouvelle maladie qui fait déjà le buzz. Ces derniers l’ont d’ailleurs déjà rebaptisée la « Maladie du siècle », le « Fléau de l’ère numérique » (et qui sait peut-être décrochera t-elle la première position, juste devant le stress, la dépression, le mal de dos, voire même le cancer).

Je me souviens parfaitement de ce jour où l’on m’a offert mon premier Blackberry. C’était le jour de mon 33ième anniversaire. Un cadeau subtilement et délicieusement empoisonné, auquel j’ai rapidement attribué de tendres surnoms : mon « Black » (façon Anaïs, qui ne sort qu’avec des blacks) ou bien « BB », diminutif de « Bébé » (surnom que les lolitas attardées donnent volontiers à leur chéri, ou encore façon Ménélik : reste cool Bébé sinon j’te dirai bye-bye). L’intensité de l’émotion fût semblable à celle ressentie lorsque j’ai reçu mon premier doudou : une peluche orange toute douce en forme d’ours. L’addiction fut immédiate et totale. Je l’ai regardé, l’ai embrassé vingt fois et ai joué avec toute la soirée. J’ai envoyé des dizaines de textos à pleins de gens, même des gens que j’aimais pas, juste pour le plaisir d’envoyer des textos et d’en recevoir en retour. Et puisque mon forfait était illimité, cela faisait une (bonne) raison de plus pour leur faire profiter de ma toute nouvelle envie de communiquer.

Devenu aussi important pour moi qu’un gri-gri, je ne peux désormais plus m’en passer plus d’une demi-heure. Je vérifie constamment s’il est bien dans ma poche ou dans mon sac. Je le consulte mille fois par jour, juste pour me rassurer. Il accompagne toutes mes nuits (y compris les plus folles) en mode silencieux tout de même, blotti sous mon oreiller. Je ne le quitte jamais, fût-ce pour prendre un bain ou aller faire pipi (il a d’ailleurs fait le grand plongeon dans la cuvette des toilettes deux fois, mais tel un héros, a toujours fini par ressusciter après quelques minutes de sèche-cheveux intensif). Bref, j’aime mon Black, il n’y a rien de plus à ajouter.

Enfin si : il me rend tellement de services mon Black. Certes, il ne fait pas sex-toy (je tenais à ce qu’il soit suffisamment large et plat pour garder un clavier azerty, et ces popots de fabricants de mobiles n’ont toujours pas inventé le « nomogode » à ce que je sache), mais il me permet de rester connectée avec la jet-set et d’être dans le moove, ce depuis mon lit, mon canapé, mes toilettes ou ma voiture, en temps réel, via les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc…), de compulser mes magasines féminins ou d’actu préférés, de réserver un resto pour la soirée, ou un billet de train pour le week-end. J’ai un peu toute ma vie dans mon Black.

Mais comme toutes les addictions, la « nomophobie » peut avoir des conséquences nocives. Stress, état d’alerte permanent. Détournés en permanence de notre quotidien réel par une sollicitation virtuelle constante, le risque est de se faire accaparer au point d’en oublier de vivre, tout bêtement, l’instant présent. A grandes psychopathologies les grands remèdes, j’ai donc décidé de profiter des vacances pour mettre le holà en 6 étapes. Je pars dans 10 jours, le délai est tenable.

Je profite, en outre, de ce moment solennel pour solliciter des volontaires qui accepteraient de m’accompagner dans ce douloureux parcours du web-combattant,  dans ce nécessaire chemin de croix virtuel. Deux arguments suffiront peut-être à convaincre les plus « nomonévrosés » d’entre-vous : non seulement cette expérience vous sera aussi bénéfique, mais on se sent tellement plus fort à plusieurs [d’ailleurs, si le but n’avait pas été de se débarrasser d’une web-addiction, on aurait presque pu songer à monter un groupe Facebook « si toi aussi tu veux en finir avec ta nomophobie », mais… voilà, quoi].

Voici, maintenant, le-dit chemin de croix :

Etape n° 1 : On enlève la fonction voyant lumineux qui clignote à chaque mail, sms, twitt ou message Facebook reçu, ainsi que le son strident et différencié qui va avec. Cela nous évitera ainsi de sursauter et de nous précipiter vers notre mobile, dans un élan d’hystérie, à chaque alerte visuelle ou sonore.

Etape n° 2 : On fixe un créneau horaire dans la journée, où notre smartphone sera éteint et (encore mieux) rangé quelque-part pour ne pas être tenté de le rallumer en suffoquant de manque.

Etape n° 3 : On augmente progressivement la durée du créneau sus-cité en 2.

Etape n° 4 : On éteint son portable toute la nuit et si possible on évite (oui je sais, c’est monstrueux) de le consulter le soir avant de se coucher, et le matin dès le réveil.

Etape n° 5 : On retire de notre mobile, les applications polluantes, en commençant par les  réseaux sociaux (Facebook, twitter, etc…), pour ne plus laisser que notre messagerie internet classique.

Etape n° 6 : Enfin, le jour du départ en vacances, on retire d’un geste ferme et décidé la carte « sim » de notre smartphone pour la replacer sur notre ancien bon vieux mobile classique, qui ne fait que téléphone. Et bien-sûr, vous fourrez cette horreur, pardon, cet appareil dans vos valises.

Cette dernière étape est certes très difficile à vivre et donnera à certains la sensation qu’on leur arrache le cœur de la poitrine. Mais elle est cruciale, car sans elle, nous ne pourrons jamais atteindre le « nomonirvana »,  cet état de lâcher-prise virtuel complet, tant convoité.

Donc voilà : on a dix jours. Surtout, on se donne des nouvelles et on reste solidaire : on se texte, mail… oops ! On se tient au courant de nos progrès par téléphone. Et puis, quelle joie aurons-nous, à notre retour de vacances d’actualiser notre statut facebook :

« Youhouhou, j’ai réussi à nomodécrocher !!!! »

….

Pfffff, quelque chose me dit que çà va être plus compliqué que sur le papier, cette fichue histoire de nomodétox’ de vacances…

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Topfreedom : pour ou contre les seins nus dans la rue?

[Article publié le 03/06/13, sur mon blog Bas geek instinct – Les Inrocks : http://blogs.lesinrocks.com/basgeekinstinct/2012/06/03/topfreedom-pour-ou-contre-les-seins-nus-dans-la-rue/]

« Vade retro satané hiver qui n’en finit pas! ». Avec un retard substantiel dans le timing, les belles journées estivales sont enfin là. Mais à peine ai-je eu le temps, pauvre petite française naïve, de déballer jupes courtes et robes légères des cartons, qu’apprends-je ?

Que nos collègues new-yorkaises avant-gardistes ont déjà placé la barre très haut…

Ainsi, comme chaque été depuis une vingtaine d’années maintenant, des militantes féministes du mouvement américain « Topfreedom », se mobiliseraient pour revendiquer le droit de se balader seins nus? Mieux, elles ne bouderaient pas leur plaisir en défiant policiers décontenancés et passants incrédules, en sortant dans la rue seins à l’air, au nom de l’égalité des sexes. Et pour couronner le tout, ce « déballage » mammaire serait tout à fait légal, puisque la loi américaine ne punit que l’ « exhibition des seules parties génitales » (ce qui exclut, ipso-facto, la poitrine féminine qui n’est pas considérée comme telle). Et, oh génie : une New-Yorkaise en 2007, aurait même empoché un magot de 29 000 dollars, en guise de dédommagement de la ville, après avoir été interpellée et placée en garde-à-vue deux ans plus tôt, alors qu’elle se promenait seins nus dans la rue.

La curiosité piquée, je me précipite sur Google pour évaluer où nous en sommes, nous, en France, niveau seins. En trois clics, je tombe sur l’article 222-32 du code pénal français qui dispose que seule « l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ». Ce qui signifie que – sauf si de nombreuses municipalités ont pris des arrêtés  interdisant localement cette pratique – il est juridiquement tout à fait légal de se promener seins à l’air.

A vrai dire cette découverte me laisse perplexe et je sens poindre en moi la question qui dérange : suis-je pour ou contre le « topfreedom »? Je comprends vite que ce ne sont pas les hommes de mon entourage, dont j’ai sollicité l’avis, qui m’aideront à trancher. Car, salive au coin de la bouche et pupille dilatée, ils étaient, à priori, tous pour. Certains d’entre-eux s’inquiétant même de la vitesse à laquelle ce phénomène, essentiellement américain pour l’instant, traverserait l’Atlantique pour gagner la France. Mais, dans un second temps, lorsque je leur ai demandé quelle serait leur réaction si leur propre compagne se promenait elle-même seins nus, leur bel enthousiasme spontané fit place à une angoisse visible et leurs nobles convictions sur la liberté des femmes, comme châteaux de cartes, s’effondrèrent. Dépitée et considérant qu’ « on ne peut être juge et partie », je décide finalement de ne pas tenir compte de l’avis masculin et de rester pragmatique, en me tenant aux faits, rien qu’aux faits : dans « topfreedom », il y a « freedom ». Il m’apparaît  alors évident qu’il y a gros danger à passer pour une réac’, en déclarant être contre quelque chose qui touche au « freedom ». Mais sincèrement, même si je sais que je ne risque pas la prison pour çà, la promenade en « topless », là, tout de suite, maintenant, perso çà me dit moyen…

Je serai donc pour, question de principe. Principe par lequel il est rassurant d’avoir des droits dont nous savons pourtant pertinemment que nous ne ferons pas usage : je sais par exemple que je peux traverser Paris en sauts de biche, me rouler par terre dans une galerie commerciale, ou encore aller au bureau avec une louche autour du cou, çà suffit en soi à mon bonheur.

Bien que non considérés comme des organes génitaux, les seins ont toutefois une dimension sexuelle indéniable. « Cachez ce sein que je ne saurais voir », cette phrase célèbre montre que depuis longtemps la bienséance nous a encouragé à cacher le sein. Objet de désir masculin universel, presque toutes les civilisations qui ont fait le choix du vêtement ont d’ailleurs choisi de le couvrir. Je conçois dès lors le « malaise » ressenti par certaines féministes, qui ne comprennent pas pourquoi le corps de la femme serait plus sexualisé que celui de l’homme. Si les hommes sont autorisés à déambuler torse-nu (ce qui en pratique reste assez anecdotique), les femmes devraient pouvoir le faire aussi, au nom de l’égalité des sexes.

D’ailleurs, certains hommes eux-mêmes, s’interrogent sur le caractère relatif du pouvoir d’attraction sexuel du sein-nu, abondant ainsi sans le savoir, dans le sens des féministes « pro-topless ». A leurs yeux, la vision d’un top moulant et décolleté serait par exemple dix fois plus excitante que celle d’une poitrine « de Madame Tout-le-monde* », toute nue soit elle [*poitrine non calquée sur le modèle Rihanna].

De toute façon, en France, le problème s’est en quelque sorte naturellement résolu : après une période de libération de la femme vers les années 70, où le sein s’est montré beaucoup plus, notament sur les plages, ce n’est plus le cas aujourd’hui : il n’est plus de bon ton d’exposer sa poitrine à la brise marine. Un retour manifeste à la pudibonderie, que les plus naïfs d’entre-nous attribueront à la prise de conscience des dangers liés à l’exposition au soleil, et les plus réalistes, à un simple effet de mode, affublant celles qui continuent à s’adonner au « topless » d’une image  « cheap », limite vulgaire, difficile à assumer. Cependant, quitte à jeter une volée de bois vert dans le bûcher des féministes activistes, on peut toutefois s’interroger sur le côté fantaisiste, incongru et provocant d’une telle revendication, visant à obtenir le droit de se promener seins nus. D’un point de vue strictement vestimentaire, beaucoup de femmes se battent depuis longtemps pour avoir le droit de s’habiller comme elles le souhaitent, sans avoir jamais gagné leur combat. Nous sommes encore trop souvent, au mieux victimes de procès d’intention, au pire molestées dans la rue ou même au bureau, lorsque nous arborons jupes, talons et tout autre vêtement mettant en avant nos atouts féminins … Alors, revendiquer le « sein-nu », peut paraître presque un luxe.

Concernant le droit des femmes, au sens plus général, beaucoup d’entre-elles, tout juste amusées par cette revendication, estimeront qu’il y a plus urgent à faire en matière de discriminations sexistes ( harcèlement sexuel au travail, salaires inégaux, parité dans les postes à responsabilité non respectée, etc…). Mais paradoxalement, cela n’empêchera pas ces mêmes femmes sceptiques, d’espérer au fond d’elles, que la médiatisation de ce mouvement suscite une réflexion plus profonde et constructive sur l’égalité homme-femme.

Reste que, si le mouvement venait à trouver écho en France, la justice devrait à son tour trancher, si oui ou non, le « sein-nu » est de nature à atteindre la pudeur, et résoudre ainsi les problèmes d’interprétation soulevés par l’ambiguïté de son code pénal, au risque de ne plus savoir  bientôt à quel sein juridique se vouer.

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